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mardi 8 novembre 2011

La mort, entre autres (Philip Kerr)

Polar noir des années noires.

Revoici l'écossais Philip Kerr et son étonnant détective privé Bernie Gunther, façon Nestor Burma chez les nazis.
On avait beaucoup apprécié le gros volume précédent qui réunissait trois épisodes : c'était la Trilogie Berlinoise.
Cette quatrième aventure, La mort entre autres, se laisse lire avec toujours autant de plaisir (Philip Kerr est un bon auteur de polars) mais n'atteint pas le niveau de la trilogie précédente.
Le goût de la nouveauté et le plaisir de la découverte ne sont évidemment plus là. Et l'intrigue de cette enquête, de cette manipulation dont est victime l'ami Bernie est un brin rocambolesque.
Reste, outre le plaisir de lire un bon polar, un polar bien noir, l'intérêt de relire quelques pages de notre Histoire, des pages bien noires.
Puisque tout l'intérêt des histoires de Philip Kerr c'est que, sans jamais pontifier, il nous fait voyager de Berlin à Vienne ou Garmish et même Tel-Aviv, il nous fait rencontrer toutes sortes d'aimables personnages comme Eichmann ou encore Hadj Amin le Grand Mufti de Jérusalem. Il nous balade entre les prémices du nazisme avant guerre jusqu'aux compromissions de l'Église, de la Croix-Rouge et de la CIA, toutes très occupées à faire échapper un grand nombre de nazis et de SS vers l'accueillante Argentine de Peròn.
Et toutes les ‘anecdotes’ dont Philip Kerr émaille son récit sont tristement avérées : depuis la visite d'Eichman à Tel-Aviv pour trouver une terre d'accueil où envoyer les juifs d'Allemagne, jusqu'au plan B qui consistait à récupérer une colonie française pour ce faire. C'était Madagascar. La suite on la connait et une autre solution, plus finale, sera mise en oeuvre.
Y'a de quoi déprimer pour le pauvre Bernie qui navigue en eaux troubles :
[...] Je me sentais aussi solitaire qu'un poisson dans une cuvette de toilette. Je n'avais pas de parents, et pas d'amis à qui parler, hormis le type dans le miroir de la salle de bains, celui qui d'ordinaire me souhaitait le bonjour, le matin. Dernièrement, il avait cessé de m'adresser la parole, même lui, et j'avais l'impression qu'il me saluait trop souvent d'un sourire sarcastique, comme si ma présence lui était devenue odieuse. Nous étions peut-être tous devenus odieux. Nous tous, les Allemands. Les Américains nous regardaient tous avec un mépris silencieux.
Alors bien sûr il faut en revenir aux fondamentaux de tout bon détective :
[...] Voyez un peu les pays qui boivent beaucoup de bière. Ils sont presque tous protestants. Et ceux où l'on boit beaucoup de vin ? Tous catholiques.
- Et les Russes ? Ils boivent de la vodka.
- C'est une boisson qui aide à trouver l'oubli, répondit le père Bandolini. Absolument rien à voir avec Dieu.
L'époque était des plus sombres. Ce polar noir l'éclaire un tout petit peu.
Chacun connait bien désormais les sinistres compromissions dont firent preuve français, anglais ou américains à la fin de la guerre, par exemple avec les ‘médecins’ nazis qu'évoque largement ce bouquin.
Ce qui reste généralement passé sous silence, et pour cause, ce sont les compromissions des mêmes, avant guerre dans les années 30, pour trouver un consensus sur une solution au ‘problème juif’, aucun n'en voulant chez lui. On connait la suite.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires avec de l'Histoire dedans.
D'autres avis sur Critiques Libres.
Le Livre de poche édite ces 565 pages qui datent de 2006 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Johan-Frédréik Hel Guedj.


mardi 16 octobre 2012

Une douce flamme (Philip Kerr)

Cold case chez les SS.

Chez le britannique Philip Kerr, il y a des hauts et il y a des bas. Faut dire qu'avec l'excellente Trilogie berlinoise, la barre avait été haut placée.
Mais, allez savoir pourquoi, on aime beaucoup beaucoup son personnage, Bernie, tantôt flic, tantôt privé, parfois rebelle, parfois complaisant, selon les époques de cette trouble période de l'Allemagne nazie ...
Alors on est bien content de retrouver un excellent épisode avec cette Douce flamme.
Avec un montage très habile puisque l'histoire (pardon l'Histoire avec Philip Kerr) ici se fait double : d'un côté les années 30 quand Bernie était encore flic à Berlin, de l'autre côté l'Argentine des années 50 où les nazis trouvent refuge.
Entre les deux, ‘on’ demande à notre Bernie de ré-ouvrir outre-Atlantique un dossier berlinois qu'il avait dû classer sans suite vingt ans plus tôt. Et quand on lance Bernie sur une enquête, il n'est pas facile de le manipuler ou de lui faire lâcher prise ...
Vingt ans après ... ou Cold case chez les SS ...
[...] « Les enquêtes criminelles marchent de la façon suivante, Arthur : quelquefois, il faut d’abord que le pire se produise pour pouvoir espérer le meilleur.— Comme un nouveau meurtre ? » J’acquiesçai. Nebe demeura un instant silencieux.Puis il ajouta : « Oui, je peux comprendre ça. N’importe qui peut le comprendre. Même vous.
— Moi ? Qu’est-ce que vous voulez dire, Arthur ?
— Quelquefois, il faut d’abord que le pire se produise pour pouvoir espérer le meilleur ? C’est le seul motif pour lequel quelqu’un irait voter pour les nazis. »
Alors on est enchanté de découvrir les débuts de Bernie à la Kripo de l'Alexander Platz (le Quai des Orfèvres berlinois).
Et au chapitre suivant, on est passionné par la découverte de l'Argentine fasciste de Perón. Le mélange est parfaitement dosé.
Comme toujours chez Philip Kerr, l'histoire cède le pas à l'Histoire au prix de quelques rocambolesques invraisemblances qui permettent à Bernie de côtoyer Goebbels, Eichman ou Mengele (rien que du beau monde !).
Mais qu'à cela ne tienne, on aime bien ces troubles balades dans les pages sombres de l'Histoire.
Comme ses compatriotes exilés, Bernie a vieilli et reste hanté par les mauvais épisodes de son passé (on le serait à moins).
D'autant que l'instructive postface jettera un regard désabusé sur le sombre passé de l'Argentine qui, à cette époque, avait décidé de retenir le meilleur de l'Allemagne hitlérienne et de l'Italie de Mussolini. Une postface où l'on découvrira que les tribulations rocambolesques de Bernie étaient construites sur un bien sinistre fond de vérités à peine romancées. À peine : Philip Kerr n'a malheureusement pas besoin de prendre trop de libertés avec l'Histoire.
On peut sauter l'épisode précédent (La mort entre autres) qui évoquait la fuite de Bernie vers l'Amérique du Sud en compagnie de quelques uns de ses « amis » et compatriotes, mais il ne faut pas manquer l'excellente Trilogie avant de poursuivre avec cette petite flamme argentine.
[...] Les nazis parlaient d’un Reich de mille ans. Mais, parfois, je me dis qu’à cause de ce que nous avons fait, le nom de l’Allemagne et les Allemands sont couverts d’infamie pour mille ans. Qu’il faudra au reste du monde mille ans pour oublier. Vivrais-je un millier d’années que jamais je n’oublierais certaines des choses que j’ai vues.
La flamme argentine de Perón s'éteindra bientôt, noyée dans la dictaturomanie sudaméricaine, mais elle aura suffisamment éclairé l'Histoire pour confirmer définitivement que le fascisme n'était pas qu'un accident italo-allemand.
Soixante ans après, l'Allemagne tire l'Europe et n'est plus couverte d'infamie : est-ce parce que le monde veut oublier ou plutôt parce qu'inconsciemment chacun sait bien que le fascisme a rencontré trop de complaisances et même d'adhésions pour qu'on puisse tout mettre sur le dos de l'Allemagne ?

Pour celles et ceux qui aiment Bernie et les histoires avec de l'Histoire dedans. 
Ces pages datent de 2008 en VO et sont traduites de l'anglais par Philippe Bonnet. 
D'autres avis sur Babelio.

dimanche 6 mars 2016

Les ombres de Katyn (Philip Kerr)

[...] Il y a des fois où il est presque aussi triste d'être un homme que d’être un Allemand.

L'ombre du massacre de Katyn assombrit depuis des décennies l'histoire de notre Europe : en 1940, la police secrète soviétique (le NKVD) extermine plusieurs milliers d'officiers et d'intellectuels polonais dans la forêt près de Smolensk. Trois ans plus tard, la Wehrmacht progresse à son tour vers l'est et les nazis découvrent les charniers de Katyn.
Une aubaine pour leur propagande antisémite et anti-soviétique qui arrive au moment où ça commence à sentir le roussi, juste après Stalingrad.
Avec Nuremberg puis la guerre froide, l'ombre portée de cette propagande nazie amènera les alliés (britanniques et américains) à laisser dans le noir les responsabilités russes à Katyn pendant encore de nombreuses années.
Il faudra presque attendre les années 2000 pour voir enfin la vérité sortir timidement au grand jour.
Nous voici donc ravis de retrouver Philip Kerr [clic] qui va nous aider à éclaircir un peu Les ombres de Katyn.
[...] C’était la première fois que j’entendais le nom de la forêt de Katyn.
[...] Un loup avait déterré des restes humains dans la forêt.
Embarquons dans un Junker pour Smolensk avec notre ami Bernie Gunther, qui est envoyé sur le front de l'est pour enquêter, après la découverte des premiers charniers : s'agit-il bien, comme on l'espère à Berlin, de crimes perpétrés par ces affreux Rouges ou bien de dommages collatéraux commis par des Sonderkommandos trop zélés ?
[...] — Que je ne commette pas d’erreur. Si cette fosse commune est remplie de Juifs, alors je dois l’oublier. Mais si elle est remplie d’officiers polonais, cela fera le bonheur du Bureau.
— Ce n’est pas une manière très élégante de résumer la chose. Mais oui, voilà exactement ce que nous attendons de vous, capitaine Gunther.
[...] Il y a au moins quatre mille officiers polonais enterrés dans la forêt de Katyn. Et, si la moitié de ce que le commandant Blokhine m’a dit dans son délire est vrai, Katyn n’est que la partie visible de l’iceberg.
[...] Lavrenti Beria est le nouveau chef du NKVD. C’est Beria qui a orchestré le massacre de tous ces pauvres officiers polonais. Avec l’approbation de Staline, naturellement.
[...] Depuis la guerre de 1920, il est presque aussi difficile d’être polonais sous les bolcheviks que juif sous les Allemands.
Une sombre histoire qui prenait ses racines dans une guerre précédente et où le sinistre Beria fit ses premières armes.
Comme à son habitude Philip Kerr prend juste ce qu'il faut de libertés avce l'Histoire pour nous raconter une histoire et l'on retrouve l'ami Bernie aux prises avec ses compatriotes : Wehrmacht, nazis, SS, ...
On découvre  même cette fois les compromissions de la noblesse prussienne avec le régime allemand, des von et des zu coincés entre l'appât du gain et du pouvoir et les complots répétés et malencontreux pour éliminer le Führer : bougrement intéressant.
Malheureusement le bouquin s'enlise à plusieurs reprises dans la boue des charniers de Katyn et à vouloir suivre plusieurs histoires, le lecteur peine un peu à maintenir son attention.
Bref, à réserver aux fans de la série et aux curieux des noirs événements de la sombre forêt de Katyn.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires avec de l'Histoire dedans.
Bientôt d’autres avis sur Babelio.

mardi 3 février 2009

La trilogie berlinoise (Philip Kerr)

Nestor Burma chez les SS.

Décidément le millésime 2009 de la cuvée polars s'annonce comme un bon cru.
Après les deux Fred Vargas dont on parlé tout récemment (Un lieu incertain et Sous les vents de Neptune), voici une belle trouvaille (coup de coeur Fnac) : La trilogie berlinoise de l'écossais Philip Kerr.
La ré-édition réunit trois épisodes de la série qui met en scène un privé au goût de Philip Marlowe, à l'odeur de Nestor Burma (celui de la télé plutôt que l'original de Léo) mais aux relents de Gestapo puisque la série se passe à Berlin, avant et après guerre.
Ce qu'évoque d'ailleurs la couverture avec une photo qu'on jurerait tirée des cartons de Leni Riefenstahl, l'équivoque photographe du Reich aux sujets troubles, du genre un esprit sain dans un corps sain ...
Le premier épisode, L'été de cristal, se déroule en 1936 pendant les JO de Berlin (filmés par Leni Riefenstahl justement), en pleine ascension du parti National-Socialiste.
Le titre en VO (March violets) évoque «les violettes de mars 1933» lorsque fleurirent toutes les adhésions spontanées à ce parti NAZI, et lorsqu'on traficotait pour obtenir un «petit» numéro d'adhérent prouvant ainsi sa longue fidélité à la doctrine en vogue.
Le privé c'est Bernie Gunther (ancien flic, ancien détective de l'hôtel Adlon, aah l'hôtel Adlon de Berlin ...) qui fanfaronne avec un humour grinçant et caracole avec une belle inconscience entre les pattes des monstres des SS ou de la Gestapo.
On croisera même Goering au détour d'une soirée mondaine ou encore Himmler à un enterrement.
Bernie essaie de surnager dans ces eaux nauséabondes égratignant au passage tous les profiteurs du nouveau régime.
Sur les traces de Bernie on parcourt Berlin en tous sens, de la Friedrichstrasse au Kürfürstendamm et du quartier de Schöneberg au Kreuzberg, oubliant un instant dans quelle horreur s'enfonce la belle capitale (nos photos de Berlin).
Mais la radio se charge de nous rappeler aux sombres réalités.
[...] Ce soir-là, on eût dit que tout Berlin s'était donné rendez-vous à Neukölln, où Goebbels devait parler. Comme à son habitude il jouerait de sa voix en chef d'orchestre accompli, faisant alterner la douceur persuasive du violon et le son alerte et moqueur de la trompette. Des mesures avaient par ailleurs été prises pour que les malchanceux ne pouvant aller voir de leurs propres yeux le Flambeau du Peuple puissent au moins entendre son discours. En plus des postes de radio qu'une loi récente obligeait à installer dans les restaurants et les cafés, on avait fixé des haut-parleurs sur les réverbères et les façades de la plupart des rues. Enfin, la brigade de surveillance radiophonique avait pour tâche de frapper aux portes des appartements afin de vérifier se chacun observait son devoir civique en écoutant cette importante émission du Parti.

C'est tout l'intérêt de ce bouquin que de nous plonger dans la vie quotidienne berlinoise juste avant-guerre et de nous montrer les plus petits rouages de la mécanique nazie en marche.
Instructif et édifiant.
[...] Je commençai par aller voir au X Bar, un club de jazz illégal dont l'orchestre glissait des morceaux américains au beau milieu de la soupe aryenne ayant l'aval des autorités. Les musiciens se livraient à ces acrobaties avec suffisamment de finesse pour ménager les consciences nazies qu'aurait pu choquer cette musique dite inférieure.


Le second épisode, La pâle figure, nous amène en 1938 alors que l'Allemagne envahit les Sudètes.
Cette aventure est plus classique : le privé a réintégré la police officielle, pour un temps, et part sur les traces d'un serial killer ... et sur celles de la propagande qui prépare la nuit de cristal ...
Le dernier épisode, Un requiem allemand, nous propulse en 1947 à la fin de la guerre, où l'on retrouve Bernie, marié (si, si !) dans Berlin en ruines.

[...] Dans beaucoup de quartiers, un plan des rues n'était guère plus utile qu'une éponge de laveur de carreaux. Les artères principales zigzaguaient comme des rivières au mileu de monceaux de décombres. Des sentiers escaladaient d'instables et traîtresses montagnes de gravats d'où, l'été, s'élevait une puanteur indiquant sans erreur possible qu'il n'y avait pas que du mobilier et des briques ensevelis dessous.
Les boussoles étaient introuvables, il fallait beaucoup de patience pour s'orienter dans ces fantômes de rues le long desquelles ne subsistaient, comme un décor abandonné, que des façades de boutiques et d'hôtels : il fallait également une bonne mémoire pour se souvenir des immeubles dont ne restaient que des caves humides où des gens s'abritaient encore.
Un Berlin dévasté où les femmes rescapées tentent de survivre et où la peur de la soldatesque russe est de règle.
[...] Pourtant, certains disaient que les Popovs prenaient seulement de force ce que les femmes allemandes ne demandaient pas mieux que de vendre aux Anglais et aux Américains.
On suit donc Bernie jusqu'à Vienne (Autriche) en pleine dénazification, lorsque les Américains tentent de récupérer les «meilleurs éléments» allemands pour constituer, face aux soviétiques, les forces d'espionnage qui feront bientôt les beaux jours de la guerre froide.
Mais Bernie garde son sens de l'humour et sa condescendance berlinoise qui n'est pas sans rappeler notre propre arrogance parisienne !
[...] Tard le soir, Vienne ne soutenait la comparaison avec aucune autre ville, sauf peut-être la capitale engloutie de l'Atlantide. N'importe quel vieux parapluie restait ouvert plus longtemps que les établissements nocturnes de Vienne.
Une excellente idée que de ré-éditer ces trois épisodes, passionnants, pertinents, prenants, qui améliorent notre compréhension de cette Allemagne, avant, pendant et après.
La visite est terminée, n'oubliez pas le guide ! Il s'appelle Philip Ballantyne Kerr (ou Bernie, c'est selon).

Pour celles et ceux qui aiment Berlin.
Le Masque édite ces 836 pages qui datent de 1989-1991 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Gilles Berton.

vendredi 20 novembre 2020

La liste au Père Noël ...


Vous ne savez pas quoi vous offrir à Noël ?
On a essayé de regrouper ici quelques bonnes idées pour celles et ceux qui n'ont peut-être ni l'envie ni le temps de se perdre dans les dédales des blogs et des réseaux.
D'un seul coup d'œil, quelques (très bonnes) idées de bouquins à picorer selon son humeur ou selon ses envies.
Et bien sûr vous ne trouverez là que des coups de cœur parmi les coups de cœur, que du bon, du très très bon !


Si vous aimez plutôt les histoires de marins, ne manquez pas :
Si vous aimez les récits de voyages ce sera :
    et si vous voulez voyager au Japon : le mot-clé dédié au pays du soleil levant
    ou dans d'autres pays d'Asie : avec notre liste des auteurs d'Orient (Chine, Inde, Japon, ...) 
Si vous aimez les polars qui font voyager, partez :
Si vous aimez les bouquins adaptés au cinéma  :
Si vous aimez les espions :
Si vous aimez le sport :
Si vous aimez les bouquins faciles, tous publics, mais 100% plaisir :
    Si vous aimez les histoires de vieux et le 3° âge :
    Si vous aimez les bios, les Vies :
    Si vous aimez les bons, très bons auteurs français :
    Si vous aimez les grands espaces, le nature-writing, façon farouest, partez :
    Si vous aimez le souffle de l'aventure :
    Si vous aimez l'érémitisme, rendez visite à :
    Si vous aimez la peinture, les peintres et leurs modèles :
    Si vous aimez les recueils de nouvelles :
    Si vous aimez les gros romans fleuves, les pavés, les sagas :
    Si vous aimez les histoires avec de l'Histoire dedans, avec un grand H :
    Si vous aimez les histoires de guerre ou l'histoire des guerres :
    Si vous aimez les histoires d'Amour avec un très grand A :
    Si vous aimez les histoires tristes (mais trop bien écrites pour passer à côté) :
    Si vous aimez l'humour avec un grand sourire, parfois féroce :
    Si vous aimez les histoires de fous et de maniaques :
    Si vous aimez les romans épistolaires :
    Si vous aimez les histoires de mecs ou d'hommes :
    Si vous aimez les histoires de nanas ou de femmes :
    Si vous aimez les courts-métrages :
    Si vous aimez les polars sans crime et parfois sans cadavre ni assassin :

    vendredi 1 janvier 2010

    Best-of 2009

    Best of 2008
    Bonne année 2010 à toutes et à tous !
    Voici le 4ème (et oui ...) best-of annuel sur ce blog, histoire de repérer ce qu'on pourrait appeler « les coups de cœur de nos coups de cœur ».
    Même s'il est toujours difficile de faire un choix parmi les meilleurs,  car le tri a déjà été fait une première fois avant d'arriver sur le blog  ...
    cliquez sur les vignettes ou sur les liens pour retrouver les billets en version intégrale

    Dans la catégorie Polars : La découverte de l'excellent Colin Cotterill et son coroner laotien Siri Paiboun avec Le déjeuner du coroner (ou La dent de bouddha).
    Dépaysement bon enfant garanti, humour et intelligence au rendez-vous.

    La littérature mexicaine était à l'honneur cette année, alors bien sûr Guillermo Arriaga (auteur de nombreux scénarios de films) est ici récompensé pour Un doux parfum de mort.
    Une sombre tragédie, très physique, avec un soleil écrasant et une chaleur étouffante : ça pue la sueur et les mouches volent pendant la sieste.

    Donna Leon (qui est un peu la Fred Vargas italienne) n'avait pas encore eu droit à notre podium.
    Un oubli réparé cette année grâce à l'une des meilleures enquêtes vénitiennes du sieur Brunetti : De sang et d'ébène.

    Même s'il le méritait, on n'a pas fait monter sur le podium, Dans la brume électrique, le bouquin de James Lee Burke car le film de Tavernier qui en est adapté, figure un peu plus loin au best-of cinéma de l'année !
    On aurait pu aussi citer la trilogie berlinoise de Philip Kerr.

    Dans la catégorie Romans : Justice est enfin rendue ici à Jean Échenoz qui nous a donné cette année avec Courir, un tout petit bouquin qui nous raconte l'histoire d'un grand bonhomme, Émile Zatopek.
    Échenoz a l'intelligence de replacer la course d'Émile dans celle, encore plus folle, du monde. Le monde finissant du XX° siècle.
    On suit tout cela (les courses d'Émile et la roue de l'Histoire) au rythme donné par Échenoz, dans la foulée d'Émile : c'est passionnant, captivant, haletant.
    Et comme toujours avec Échenoz, très très bien écrit.
    On ne présente plus Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, incontournable vedette des blogs.
    Sauf que la réputation de l'américaine Ann Harper Lee n'est pas surfaite et que ce bouquin est réellement excellent.
    Écrit dans les années 60 en pleine campagne des Noirs pour leurs droits civiques, l'action se situe dans les années 30, en pleine Dépression (encore !), dans un état du Sud (l'Alabama) à un moment où la ségrégation avait encore de beaux jours devant elle.
    L'auteure nous conte l'histoire d'enfants qui grandissent élevés au fil des saisons par leur père : Scout, la cadette, garçon manqué et son frère aîné, Jem.
    Pour boucler le podium des romans, l'Histoire d'Usodimare, un petit opuscule minuscule de l'italien Ernesto Franco.
    Un récit de voyage, un récit de marin.
    Le récit d'une fin, celle d'un bateau déglingué qu'Usodimare doit accompagner jusqu'au Bangladesh pour la ferraille.
    On aimerait encore citer Siri Hustvedt (l'épouse de Paul Auster) ou l'albanais Ismaïl Kadaré, une vieille connaissance relue cette année.
    Dans la catégorie BD : Incontestablement, Étienne Davodeau est notre révélation BD 2009.
    Avec ce premier épisode d'une série Lulu Femme nue ou encore avec Chute de vélo.
    Des dessins pas tape-à-l'œil pour deux ronds, des histoires ordinaires de gens ordinaires, ... mais alors qu'est-ce donc qui fait qu'une fois en mains, on ne peut plus lâcher les albums d'Étienne Davodeau ?
    Coup de cœur ensuite pour une japonaiserie de deux auteurs français, Antoine Bauza au scénario et Martin Leclerc dit Maël au pinceau.
    Dans l'ambiance zen de cette Encre du passé , texte et dessin se confondent en une agréable alchimie. C'est superbe et les auteurs ont su se limiter à un seul album, chose rare en ces temps prolixes.
    On avait déjà croisé le dessinateur aquarelliste (Maël) dans les Rêves de Milton.
    On a préféré attendre 2010 pour confirmer l'intérêt de la prometteuse série New Byzance et on a donc hissé Okko à la troisième place du podium.
    Le cycle de l'eau nous valait quelques beaux paysages d'îles, de bateaux et même de châteaux suspendus. Le cycle de la terre nous emmenait en montagne à la découverte de mystérieux monastères accrochés à flanc de rochers.
    Le cycle de l'air nous emporte dans une vallée où soufflent des vents magiques, les kamikazé (les vents des kamis - les vents des dieux), comme ceux qui jadis, protégèrent le Japon des invasions maritimes du Khan mongol. 

    Voilà, c'est dit, c'est fait, salut 2009 et vive 2010 !
    Et pour ceux qui auraient raté le best-of 2008 : c'est encore !

    dimanche 27 mars 2016

    Une sale affaire (Marco Vichi)

    [...] à l’origine de sa faute une faute encore plus grande.

    Si vous vous en souvenez on avait placé beaucoup d'espoirs dans une nouvelle série italienne découverte avec le commissaire Bordelli et Marco Vichi.
    Florence, les années 60 (juste après-guerre), un commissaire nonchalant que l'on espérait voir arriver presque à la hauteur d'un certain Adamsberg bien connu de nos services ...
    On a donc attaqué ce second épisode avec allant.
    Pour y retrouver avec plaisir le commissaire, son fidèle adjoint Piras, son amour platonique Rosa, son cuisinier préféré Batto, sans oublier un légiste original (le signor Diotivede).
    Des jeunes filles sont retrouvées assassinées, cruellement mordues.
    Mais l'enquête piétine, les suspects ne se bousculent pas au portillon, le commissaire et son adjoint tournent en rond ...
    [...] Bordelli abattit une main sur les photos des fillettes. Jamais il ne s’était énervé à ce point au cours d’une enquête. Il s’employait d’habitude à éviter toute implication émotionnelle et y parvenait plutôt bien. Mais ces [...] gamines lui pesaient sur l’estomac comme un morceau de marbre. À la pensée que l’assassin courait toujours, une rage oppressante le clouait sur sa chaise. Il regarda encore une fois les photos éparpillées sur sa table.
    [...] Nous l’attraperons.
    – Quand ?
    – Bientôt.
    – Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
    – Je le sens… nous l’attraperons bientôt.
    – Ah ! Si vous le sentez… Magnifique ! »  
    Nous sommes habitués des enquêtes qui piétinent, des intrigues qui avancent à petits pas et qui laissent au lecteur tout le temps de découvrir le contexte et le décor : d'autres pays, d'autres villes, d'autres époques, d'autres coutumes, d'autres cultures, ...
    Mais là franchement, la nonchalance du commissaire Bordelli atteint des sommets.
    [...] « Je voudrais coincer ce type avant qu’il en tue une autre », dit-il avec amertume en pressant les doigts sur ses tempes. Son impuissance l’insupportait.
    Et nous aussi, cela commence à nous insupporter.
    Bien sûr il y a le décor de l'intrigue, une histoire policière fortement ancrée dans celle de l'Italie fasciste et des années sombres vécues avec le grand frère allemand un peu envahissant avec son cortège d'horreurs.
    [...] Il repensa aux mots de Dante : « Si un malheureux tue des petites filles, il doit y avoir à l’origine de sa faute une faute encore plus grande… »
    On songe parfois à Philip Kerr mais malheureusement ce n'est pas tout à fait en faveur de Marco Vichi.
    Bref, pas mal de déceptions pour ce second épisode des aventures du commissaire florentin.

    Pour celles et ceux qui aiment l’Italie.
    D’autres avis sur Babelio.

    mardi 15 octobre 2013

    L’hiver du commissaire (Maurizio di Giovanni)

     

    Le fantôme de l’opéra.

    C'est Jean-Marc qui nous avait mis sur la piste de cette nouvelle série de polars : en Italie (à Naples) et à la période sombre du fascisme (1931).
    On commence le défilé des saisons par L’hiver du commissaire Ricciardi de Maurizio di Giovanni.
    Le côté historique de l’Italie fasciste nous rappelle bien sûr un autre enquêteur : le Bernie de la Trilogie berlinoise, même si Naples en hiver s'avère beaucoup plus sombre que le Berlin de Philip Kerr.
    Et puis  nous voici donc en Italie avec un meurtre commis à l’opéra : voilà de quoi nous connecter à la Fenice de Donna Leon !
    Le commissaire Ricciardi partage d'ailleurs avec son collègue Brunetti la même insubordination à un chef tout aussi méprisable !
    Avec toutes ces références croisées, autant dire que Maurizio di Giovanni a tout intérêt à tenir ses promesses !
    Las … dès les premières pages, l'exercice s'annonce bien difficile :
    - une intrigue dans le milieu de l'opéra lyrique, ce qui n'est pas des plus sexy à nos yeux (un grand et gras ténor est assassiné dans sa loge, un individu exécrable auprès de qui la Castafiore ferait figure d'aimable jeune femme … mais un génie du chant lyrique qui a l'oreille du Duce, alors …),
    - des images de Naples en plein hiver sous un vent glacial (quand même dommage non ?),
    - une enquête à la Agatha Christie (tout le monde avait un mobile et une occasion) ce qui n'est ni très moderne ni très à la mode,
    - un petit côté rétro voire vieillot (l'Italie des années 30 à l'arrivée du cinéma parlant) à la fois dans le contexte, le style, l'intrigue,
    - un commissaire tristounet qui ne boit pas (mais oui, ça existe ! en tout cas à Naples en 1931), un vieux garçon qui vit chez une vieille tante, qui met un filet sur ses cheveux avant d'aller se coucher et qui a des visions un peu surnaturelles,
    aaaargh ... et ben c'est pas gagné, dites donc !
    Alors ?
    Alors qu'est-ce qui fait qu'on ne lâche pas ce bouquin ?
    Comment s'est donc débrouillé Maurizio di Giovanni pour nous cuisiner un bon petit plat, parfumé et goûteux, avec ces ingrédients un peu éventés ? Insondable mystère de la cuisine italienne et peut-être de la littérature !
    Faut quand même dire que le cuistot a relevé son mélange improbable d'une épice plutôt originale.
    Peut-être vous souvenez-vous de Xavier Bardem qui (dans le film Biutiful d'Inarritu) venait recueillir les dernières après-pensées des morts. Plus prosaïquement, on peut aussi songer à la récente série télé Medium (merci MAM).
    Le commissaire Ricciardi est en effet affligé d'un don similaire : il “voit” les derniers instants vécus par ceux qui ont été emportés par une mort violente, et ce depuis son enfance ce qui n'est pas drôle du tout. À chacun de ces flashs, il partage forcément la souffrance de ceux qui passent ainsi de vie à trépas : le titre original indique Il senso de la dolore, le sens de la douleur.

    [...] Près d'un chantier, à l'heure de la pause, un gamin avec un chien et deux chèvres attachées à une corde vendait du pain et de la ricotta à un groupe de maçons. l'un d'eux, un peu à l'écart, se tenait la tête courbée dans une position qui n'avait rien de naturel. Le commissaire détourna le regard : encore un des milliers d'accidentés du travail dont ne parlait jamais.

    Alors même si ça l’aide un peu dans ses enquêtes (mais c’est plus subtil que ça), depuis toutes ces années passées à voir ces souffrances, le bonhomme n'est pas bien drôle.

    [...] Ses subordonnés ne comprenaient pas sa gravité, ses silences : jamais un sourire, jamais un commentaire superflu. Il menait ses enquêtes de manière extravagante, ne respectait pas les procédures, mais en fin de compte il avait toujours raison.
    [...] Le divisionnaire se serait volontiers passé de cet étrange homme silencieux, aux yeux tranchants comme des lames de rasoir, qui n'avait pas d'amis, ne se permettait jamais une familiarité, qui, à ce qu'on disait, n'avait ni attache ni inclination sexuelle particulière qui auraient pu le rendre vulnérable.

    L'auteur nous délivre au passage quelques indications sur cette difficile époque avec l'Italie fasciste à son apogée (ambiance famille patrie, surtout famille).

    [...] Ce n'est pas normal, à trente ans, de ne pas avoir de femme auprès de soi. Par les temps qui courent, pour un peu, ils seraient bien capables d'arrêter les célibataires.

    Et c'est par petites touches qu'on découvre la personnalité tourmentée du beau et riche commissaire Ricciardi, à la vie un peu secrète, aux yeux verts insondables.
    Aimable figure aussi que celle de son brigadier adjoint qui veille comme un ange-gardien sur son supérieur.
    Les “visions” du commissaire, savamment dosées, passent facilement et en douceur, tout naturellement et Di Giovanni échappe finement aux pièges du surnaturel et du fantastique.
    Après les révélations des dernières pages sur les pourquoi et comment du meurtre de l'affreux mais génial ténor, on n'a vite qu'une seule hâte : retrouver le commissaire Ricciardi … au printemps.
    Bon allez, on essaye de pas s’emballer trop vite et on attend le prochain épisode pour confirmer le coup de cœur, suspense oblige !
    Vite, la traduction en français est déjà disponible !


    Pour celles et ceux qui aiment l’opéra.
    D’autres avis sur Babelio et celui de Jean-Marc.


    mercredi 25 juin 2014

    Empereurs des ténèbres (Ignacio del Valle)

    Quand les dieux détournent les yeux …

    Empereurs des ténèbres de l'espagnol Ignacio del Valle, est la deuxième(1) enquête du soldat Arturo Andrade, après L'art de tuer les dragons [pas traduit en français] et avant Les démons de Berlin [pas encore lu] .
    Effet de mode, intérêt cyclique ou fascination étrange pour les démons de cette période ?
    Philip Kerr et son inspecteur Bernie nous promenaient dans les bunkers nazis tandis que Maurizio di Giovanni et son étrange commissaire Ricciardi nous faisaient défiler les quatre saisons sous l'Italie de Mussolini.
    Il manquait donc un chaînon : et c'est Del Valle qui se charge de nous emmener voir du côté des franquistes.
    Mais pour cet épisode, habillez-vous chaudement : on ne part pas pour Madrid et on accompagne la division Azul sur le front de l'Est en plein hiver 1943.
    La division Azul on l'avait déjà croisée avec La tristesse du Samouraï. Ce sont ces phalangistes envoyés par Franco soutenir la Wehrmacht(2) et affronter le général Hiver sur le front de l'est lors de l'opération Barbarossa, l'invasion de la Russie qui se transformera bientôt en déroute napoléonienne. Nous voici donc près de Leningrad pendant l'hiver 43, près d'un monastère orthodoxe(3).
    [...] Les coupoles irisées du monastère orthodoxe de Molevo. Selon la légende, une nuit, un moine qui faisait une ronde y avait rencontré Dieu assis dans un recoin obscur ; que faisait son Seigneur en un tel endroit ? s’était écrié le moine en se prosternant immédiatement devant lui. Dieu lui avait répondu, d’une voix non pas tonitruante, mais éteinte : « Je suis fatigué, pope, très fatigué. »
    Et ça commence fort justement par une image toute napoléonienne (ou digne de Guernica, ça marche aussi), avec une cavalcade de chevaux saisie dans la glace. Au milieu un soldat. Évidemment gelé mais égorgé aussi, c'est moins évident et, là c'est de moins en moins évident, avec une inscription gravée soigneusement au couteau sur la poitrine : Prends garde, Dieu te regarde.
    [...] - Pour faire ça, il faut un individu qui ne manque pas de sang-froid.
    - Ailleurs, je ne sais pas, mais ici, c’est comme si vous me parliez de n’importe qui.
    Et donc même si on pourrait objecter que :
    [...] Ici les vivants ne comptent plus , alors les morts...vous imaginez ...
    Ce cadavre pris dans les glaces, ça fait quand même désordre et le soldat Arturo  Andrade est donc chargé de mener rondement l’enquête, histoire de restaurer le moral des troupes et un semblant de discipline. Et il se demande où il met les bottes : au sein de l’État-major les rivalités sont grandes entre phalangistes romantiques et militaires franquistes purs et durs, entre francs-maçons et fascistes pas francs du collier, tous réunis par la force des choses sous la bannière du Caudillo(4). Et maintenant sous celle de la Wehrmacht qui scrute tous ces espagnols débraillés d'un œil comment dire, bienveillant ? oui, c'est cela : bienveillant.
    [...] Pourquoi se soucier d’un mort quand des millions d’hommes sont en train de se massacrer ?
    [...] Le suspect parfait n’existe que dans les romans, à l’inverse du crime parfait qui n’est possible que dans la réalité.
    Arturo va donc enquêter sur ce crime mystérieux pendant que les russkofs pilonnent les positions et tandis que les généraux de tous bords s'impatientent. Et comme il fait moins 30° dehors, autant dire que c'est cool.
    [...] Il était conscient de ne pas avoir été aussi heureux depuis des temps presque immémoriaux ; son caractère obsessionnel qui le faisait tant souffrir, temporairement neutralisé par les exigences monolithiques de l’armée, trouvait un succédané dans ce travail et lui permettait de s’y consacrer avec la persévérance d’un martyr.
    Et ça se complique encore quand on découvre que la victime était devenue adepte de la violeta.
    [...] Cette terrible variante de la roulette russe, où on remplissait progressivement les chambres jusqu’à n’en laisser qu’une seule vide, s’appelait la violeta, parce que, comme les invertis ou violetas, si les joueurs voyaient un trou, c’était pour le boucher.
    Voilà pour l'ambiance : riche et passionnante, violente et dure, inhumaine et surtout glacée.
    [...] Ce n’était pas une morgue classique mais simplement une pièce dont le poêle n’était jamais allumé.
    Ensuite, il y a le style. Celui de Del Valle est parfaitement adapté à l'ambiance : pas de sentiment inutile ni d'empathie superflue. On ne voit pas trop comment on arrive à s'intéresser au soldat Arturo qui n'a même pas la gouaille cynique du susnommé Bernie : l'ami Arturo a quand même donné dans les renseignements franquistes et son passé n'a rien à envier à celui de ses collègues, franquistes, phalangistes, SS, que du beau monde aux environs de Leningrad. 
    Mais ça marche. Peut-être parce qu'on est sur le front de l'est, c'est-à-dire en enfer et qu'en enfer peu importe d'où vous venez.
    Les dialogues sont riches, doubles ou triples, et se révèlent souvent des affrontements durs, cyniques, violents : chacun épie l'autre et cherche à deviner le coup suivant. Le lecteur, lui, se régale d’une langue riche et recherchée.
    De temps à autre, on regrette une envolée un peu trop lyrique, au style un peu ampoulé : pendant quelques lignes, Del Valle se laisse emporter par le souffle romantico-mystique de l’Histoire, mais ça ne dure pas.
    Sur le front de l’est, le siècle a basculé, le monde est en train de se désagréger : meurtres en série, folie dégénérée, sexe déréglé, hécatombes militaires, même les dieux détournent les yeux.
    Et c’est Jack l’Éventreur qui est mis en exergue.
    [...] S’il ne s’est pas fait piéger, c’est qu’il a tué sans mobile ; impitoyablement, mais sans raison. Il tuait pour le plaisir de tuer, il aimait ça. Il suivait son instinct, qui n’est pas différent de celui de n’importe lequel d’entre nous. Quand l’Éventreur a utilisé son couteau pour la première fois… Il a inauguré le XXe siècle, un siècle qu’il a baptisé dans le sang, improvisa mentalement Arturo.
    Brrrrr …
    Rien de bien gai dans cette fin de monde mais l’intrigue policière est plus subtile qu’il n’y parait et le décor historique passionnant.
    (1) - aucun souci pour lire ce deuxième épisode sans avoir connaissance du premier : quelques références y sont faites bien sûr mais qui ne sont nullement gênantes et qui ajoutent même un peu d'épaisseur mystérieuse au personnage d'Arturo Andrade
    (2) -  Franco était partagé entre la nécessité de soutenir le camarade Hitler encore tout puissant et la pression de ses voisins : la division Azul fut donc un contingent ... de volontaires (près de 20.000 hommes quand même), ce qui ménageait et la susceptibilité des Alliés, et les besoins de renfort pour la Wehrmacht en remerciement de l'aide apportée pendant la guerre civile.
    (3) -  on pense aussi au Rouge-gorge de Jo Nesbo dont une partie se déroulait également sur le front de l’est pendant le siège de Leningrad
    (4) - vous ferez comme nous et apprendrez, grâce à Del Valle clair et didactique mais jamais pesant ni pédant, quelles étaient les clivages entre tous ces salopards

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    lundi 11 août 2014

    Le royaume des voleurs (William Ryan)

    La trilogie moscovite ? Pas sûr ...

    Moscou. 1936.
    L'Union Soviétique est entre deux guerres, se remettant difficilement de l'une, préparant déjà activement la suivante. Staline fait creuser le métro de Moscou, les hommes forts du régime se bousculent à la tête des polices politiques, l'ancienne Tchéka et le nouveau NKVD.
    En ville, la dénonciation politique est encore le meilleur moyen de rendre vacant un appartement ou plus exactement une chambre dans un appartement communautaire.
    C'est dans ce contexte social et politique que l'écrivain anglo-irlandais William Ryan a choisi de situer une série d'enquêtes policières menées par l'inspecteur Korolev du 38 rue Petrovka (qui - hasard de la numérologie - est à Moscou ce que notre 36 quai des Orfèvres est à Paris).
    Premier épisode : Le royaume des voleurs.
    Avec quelques cadavres salement amochés qui semblent sortir inexplicablement des caves d'interrogatoires de la Loubianka, habituellement réputée pour sa discrétion et sa propension à l'oubli.

    […] Popov pointa de nouveau le tuyau de sa pipe en direction de l’église.
    – C’est une horreur, Korolev. Un type est entré là-dedans cette nuit et… Il fit signe au capitaine de le suivre dans l’église.
    – Ce n’est pas beau à voir. Et si on ne l’arrête pas rapidement, il recommencera. Il y a pris goût… je le sens.

    Coincé ou manipulé par les différentes polices politiques, l’inspecteur Korolev ne sait pas trop où il met les bottes.

    […] Soyez prudent, capitaine. Vous avez affaire à des individus prêts à tuer pour se protéger, car s’ils se font prendre… Gregorine se leva sans achever sa phrase. Korolev l’imita.
    – Expliquez-moi, camarade colonel, une fois encore, pourquoi est-ce que le NKVD n’enquête pas directement ? Gregorine montra la porte.
    – Je vous raccompagne. Il ne dit rien de plus.

    […] Quand, cinq minutes plus tard, il découvrit qu’une jeune femme l’observait dans le reflet d’une vitrine du magasin Torgsin, il maudit le jour où Popov lui avait confié cette foutue affaire. L’enquête commençait à suivre son propre chemin et il n’était pas sûr d’apprécier ce qu’elle lui réservait.

    En prime, un trafic d'icônes religieuses, trafic peu orthodoxe, encore moins socialiste mais assurément très lucratif.
    Et finalement, une intrigue un peu confuse qui s'appesantit un peu trop longuement sur la caste des ‘voleurs’  comme si William Ryan voulait absolument se raccrocher au thème à la mode ces dernières années de la mafia russe et de ses voleurs dans la loi (vori v zakone - Вор в законе).
    Bien entendu, le parallèle avec la Trilogie berlinoise est tentant et d'ailleurs mis en avant par plusieurs critiques. Malheureusement, William Ryan n'est pas Philip Kerr et son livre souffre plutôt de la comparaison : le personnage principal manque un peu d'épaisseur, le souffle historique ne décoiffe pas tout à fait autant, l'humour n'est pas vraiment au rendez-vous et l'intrigue est inutilement emberlificotée.
    Il n'est donc pas certain que l'on reparte bientôt pour Moscou en 1936 aux côtés de Korolev.
    Ce premier épisode nous aura seulement permis de (re)découvrir cette époque et ce pays si particuliers et si attachants, un peu en marge des clichés politico-historiques habituels.
    Et de partager un peu la ferveur du peuple russe pour ses icônes et en particulier la Kazanskaya, celle de Notre-Dame de Kazan, réputée protéger le pays des invasions étrangères.
    Plutôt qu'avec la Trilogie berlinoise, on fera le parallèle avec le 38 rue Petrovka des frères Vaïner qui décriront le même milieu socio-politique quelques années plus tard, après une nouvelle guerre, encore une.


    Pour celles et ceux qui aiment Moscou.
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    samedi 27 décembre 2014

    Best-of 2014

    Excellente année 2015 !

    Allez, c'est parti pour le traditionnel exercice du best-of annuel qui est surtout là pour nous rappeler quelques bons souvenirs et l'occasion pour les retardataires de peut-être rattraper l'année qui a filé trop vite.
    Malheureusement peu de difficultés pour le ‘choix’ des finalistes de cette année 2014 qui semble avoir été assez pauvre en gros coups de cœur.
    Mais, à la relecture de ce podium, la sélection s’avère d’autant plus originale, étonnante, surprenante et finalement goûteuse.
    Cliquez sur les images ou les liens pour accéder au texte complet des billets.


    Du côté des romans, une année déclinée au féminin avec trois auteures femmes et trois histoires de femme(s).

    Indubitablement Blandine LeCallet sera notre découverte de l’année. Repérée déjà à la toute fin 2013 avec de curieuses épitaphes [clic], La Ballade de Lila K fut un gros coup de cœur début 2014.
    Il y aura même quelques mois plus tard, un autre coup de cœur avec Une pièce montée. Chapeau l’artiste.
    Des trois, La Ballade de Lila K reste sans doute le plus original.
    Un faux bouquin de SF où Blandine Le Callet nous raconte le cheminement de sa Lila, à la recherche de son passé et de sa mère : cette Lila est une sacrée trouvaille, un personnage au cœur du roman (qui fait le roman), un personnage émouvant et passionnant, très attachant de la première à la dernière page.
    Ajoutons que l'écriture de cette auteure est toujours aussi claire et limpide : une prose fluide et élégante, qui va tranquillement à l'essentiel, sans les affèteries et les coquetteries dont sont parfois coutumiers nos auteurs français.
    Et puis aussi, il y a ces propos étranges et inquiétants sur les livres désormais numérisés dans le monde de Lila où un ‘vrai’ livre papier représente un trésor interdit …

    Décidément les petites françaises furent à l’honneur cette année et on n’hésite pas à faire monter sur le podium un premier roman, celui de Julia Kerninon : Buvard.
    Cette vraie-fausse biographie qui se dévore comme un polar, nous plonge au cœur des mystères de l’écriture. L’héroine de l’histoire, Caroline N. Spacek aura eu une vie et un métier passionnant.
    C’est aussi le métier de Julia Kerninon : espérons que sa vie sera plus calme !
    Une belle histoire où Julia Kerninon nous parle, elle aussi, de littérature.
    Une écriture superbe, tout simplement.


    Quittons les plumes françaises mais restons chez les (jeunes) femmes avec Maine de l’américaine Julie Courtney Sullivan. C’est là son second roman seulement.
    Quatre beaux portraits de femmes : la grand-mère, la mère, la fille, la pièce rapportée ...
    L'écriture est agréable et fluide, au standard américain donc sans grande originalité mais parce que toute la place est laissée au sujet et à sa narration.
    Il ne se passe pas grand chose dans ce roman : peu ou pas d'action, on passe d'un personnage à l'autre, on découvre peu à peu toute l'histoire de cette famille et de ces femmes et l'on devine qu'au fil des pages, ces trois ou quatre générations finiront par se retrouver sous le même toit. C'est captivant et lorsqu'aux trois-quarts du bouquin les quatre femmes se télescopent enfin, quel feu d'artifice (on approche d'ailleurs du 4 juillet) : on les connait bien désormais et leurs dialogues sont alors un vrai régal.
    Ce qui rend ces femmes passionnantes et attachantes (alors qu'elles sont au demeurant exaspérantes et irritantes) ce sont bien leurs difficultés à endosser le rôle qui leur est donné : bonne épouse ou bonne mère, chaque génération a eu, a ou aura bien du mal à entrer dans le carcan, beaucoup de mal.
    Le regard de la jeune J. Courtney Sullivan est étonnamment juste et perspicace.
    Férocement désabusé aussi.

    Si la règle (il en faut bien une) n’était pas de limiter le podium à trois places, on aurait bien aimé décerner un prix spécial du jury à la québécoise Catherine Leroux pour une mémorable Marche en forêt en compagnie de la grand-mère Alma et d’une écriture très originale. 


    Pour la transition entre le podium des romans et celui des polars, le français Antonin Varenne sera nominé avec son étonnante fresque qui file à l’allure de ses Trois mille chevaux vapeur depuis les Indes orientales jusqu’au far-west : commencé à grand bruit dans la fureur des guerres coloniales en Asie, le roman s’achèvera au son des canons de la Guerre de Sécession.
    Le fil de l’intrigue ‘policière’ est très ténu et ne sert qu’à nous tenir en haleine tout au long du voyage, dans l’impatience de découvrir quelles sont exactement ces mystérieuses et terribles cicatrices que Bowman et ses anciens compagnons d’armes ont ramené de captivité, et lequel des rares survivants en est devenu fou furieux.
    Les romans d’aventure modernes sont assez rares pour s’attarder sur celui-ci, insolite et intéressant.

    Dans un tout autre registre mais tout aussi inhabituel, les Empereurs des ténèbres de l’espagnol Ignacio del Valle nous plonge dans l’enfer de la dernière guerre, à Leningrad en 1943 aux côtés de la Division Azul.
    Effet de mode, intérêt cyclique ou fascination étrange pour les démons de cette période ?
    Philip Kerr et son inspecteur Bernie nous promenaient dans les bunkers nazis tandis que Maurizio di Giovanni et son étrange commissaire Ricciardi nous faisaient défiler les quatre saisons sous l'Italie de Mussolini.
    Il manquait donc un chaînon : et c'est Del Valle qui se charge de nous emmener voir du côté des franquistes.
    Rien de bien gai dans cette ambiance de fin de monde mais l’intrigue policière est plus subtile qu’il n’y parait et le décor historique passionnant.
    L’épisode suivant (Les démons de Berlin) sera plus décevant mais celui-ci valait bien le détour.

    Restons dans le registre de l’inhabituel avec cette enquête journalistique au pays Basque : en dépit de son titre, L’homme qui a vu l’homme de Marin Ledun s’avère tout simplement excellent.
    Un récit sec et un bouquin très dur, sans cesse sous tension, une sorte de thriller politique où Marin Ledun ne nous fait guère de concessions : pas vraiment de héros sans peurs et sans reproches, pas d’empathie romancée, pas de scoops politico-journalistiques, pas de rocambolesques péripéties, ...
    Mais des faits, beaucoup de faits (inspirés de faits réels), parfois difficilement soutenables, juste hier en 2009, ici en France.
    Marin Ledun évite soigneusement d'en faire trop sur le volet politique et le héros de son livre n'est pas la cause de l’ETA. Non, le propos de l'auteur vise plutôt à retracer le patient (et dangereux) travail d'investigation des journalistes : il y en a deux dans son roman, ni des saints, ni des héros, mais deux journaleux qui font leur boulot.


    Pas de débat du côté des BD : la série (4 albums) Blast du français Manu Larcenet remporte la palme, haut la main qui tient le pinceau.
    Il faut quelques pages pour dépasser la surprise de ce noir & blanc envahissant, avare de textes et chiche en dialogues, mais bien vite le dessin (où l’on croit apercevoir parfois le fantôme de Fred)  finit de nous accrocher définitivement : pour dépeindre les noirceurs de l'âme, Manu Larcenet a opté pour une gamme étonnamment variée de beaucoup de noirs et d'un peu de blancs. Des pages d'une profonde noirceur mais des planches d'une luminosité surprenante, tout à fait en accord avec le propos et une histoire où justement tout n’est pas noir ou blanc, chapeau l'artiste.
    Des planches comme celle-ci valent le déplacement !
    Un dessin qui se révèle étrangement physique et qui tente de nous faire ressentir la pesanteur des corps malades, blessés ou maladroits, l'humidité et la vitalité des forêts grouillantes, l'errance des regards éperdus, ... Étonnant.
    Dans ce registre de couleurs on se doute que l’histoire n’est pas bien gaie et elle se termine très habilement sur un dernier chapitre qui s’intitule : Pourvu que les bouddhistes se trompent … Tout un programme dont on vous laisse découvrir le sens exact.

    Le temps béni des colonies : en 1899, notre République éclairée dépêcha une Mission Civilisatrice et envoya deux officiers français, le capitaine Voulet et le lieutenant Chanoine, à la conquête du Tchad.
    La colonne infernale (ils étaient accompagnés de plusieurs centaines de tirailleurs sénégalais et mercenaires africains) leur colonne infernale a laissé une longue traînée de sang dans les sables du Niger actuel, pillant, violant, incendiant, décapitant et massacrant tout sur son passage : on parle de plusieurs milliers de morts, femmes et enfants compris. À l'époque on mit cela sur le compte d'une soudanite aigüe qui aurait affecté nos vaillants soldats et, après la défaite de Fachoda contre les anglais, la conquête effective et glorieuse du Tchad fit bien vite oublier ce détail de l'Histoire, d'autant qu'en France, l'affaire Dreyfus présentait d'autres enjeux.
    C'est donc ce sinistre épisode de la pacification coloniale que nous raconte la BD en deux volumes de Christophe Dabitch (scénario) et Nicolas Dumontheuil (dessin).

    Après Tardi, le dessinateur Max Cabanes a choisi de reprendre plusieurs œuvres de Patrick Manchette (aidé par Doug Headline qui n’est autre que le fils de Patrick Manchette).
    Fatale est réputée comme leur meilleure adaptation (après La princesse de sang).
    Plutôt qu’un polar inquiétant ou une intrigue sophistiquée, Cabanes a choisi de nous peindre une ambiance et un personnage.
    Coup de chapeau pour cette BD qui sort des sentiers rebattus, en un seul volume là où d’autres jouent les prolongations en série.
    Un décor (savamment construit) des années 60-70 avec 2CV, R16 et 4CV en guise de vaisseaux spatiaux.
    Des images troubles et inquiétantes, comme battues par la pluie et les mauvais (pres)sentiments …
    Et puis une BD qui donne vraiment envie de lire le roman ? Quel plus bel hommage ?


    Voilà c’est dit ! Bye-bye 2014 et vive 2015 !